FONDAMENTAL est partenaire de Politeia, festival des idées, qui a lieu à Thionville du 13 au 16 mars. Le thème de cette seconde édition est le progrès. Nous y consacrons une série d’articles en accès libre.
ENTRE LE CONSERVATISME et le socialisme, caractérisés par des marqueurs idéologiques forts et clivants, un courant de pensée apparaissant plus rassembleur a tenté de trouver sa place : le progressisme – du latin progressus, signifiant l’action d’avancer. Son idée maîtresse est qu’une plus grande justice sociale et une amélioration des conditions de vie sont possibles, à travers des réformes transformant les structures sociales et politiques. Sur l’échiquier politique, le progressisme pourrait occuper le créneau du centre gauche. Il a d’ailleurs profondément irrigué une partie de la gauche au XIXe et XXe siècles.
En France, rares furent les partis qui se sont revendiqués du « progrès » dans leur appellation. Ceux qui l’ont fait n’ont guère joué les premiers rôles. De 1969 à 1976, le Centre démocratie et progrès, incarné par Jacques Duhamel et Joseph Fontanet, n’a été qu’une des composantes de la galaxie centriste, plutôt marquée à droite. Quant au Mouvement des progressistes créé en 2009 par l’ancien secrétaire national du Parti communiste Robert Hue, il n’eut qu’une existence embryonnaire et éphémère. Ces deux formations ont été marginalisées par le clivage gauche-droite. Emmanuel Macron, à son tour, a tenté de s’approprier le progressisme, en l’opposant au conservatisme, au risque d’en faire un faux-nez du libéralisme. Au bout du compte, son parti ressort affaibli par la dissolution manquée et l’échiquier politique est davantage morcelé.
La caractéristique idéologique majeure du progressisme, dont le terme a été inventé dans les années 1930, réside dans sa croyance en un progrès moral de l’humanité et dans les bienfaits que le développement technique et scientifique peut lui apporter au long d’un processus historique continu. En cela, il est l’héritage de la philosophie des Lumières, qui estimait, à l’instar de Condorcet, que le sens de l’histoire est le progrès : en adoptant les principes de la raison au fur et à mesure des avancées de la science, on améliorera la condition humaine.
Mais cette linéarité a été démentie par le tragique de l’Histoire : les deux guerres mondiales, les camps de concentration, la bombe atomique, les génocides, la dégradation de l’environnement, la pauvreté persistante, les remises en cause de certaines avancées sociétales, voire de la notion même de progrès, la montée en puissance des forces nationalistes et populistes à travers le monde, et, dernier épisode de cette succession de malheurs, le réarmement de l’Europe consécutif à la guerre en Ukraine.
Autant de soubresauts qui montrent que le progressisme, louable dans ses principes et ses objectifs, est confronté à des forces obscures et violentes affectant le destin des peuples. Même s’il est indéniable que l’humanité a enregistré des progrès majeurs au fil des siècles, il faut garder à l’esprit que, comme la démocratie, ils ne sont jamais acquis définitivement. Ils peuvent s’accompagner de régressions et d’épreuves funestes, provoquées par les hommes eux-mêmes.
JEAN-PIERRE BÉDÉÏ