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Le vice-président américain JD Vance présente le Charlie Kirk Show depuis la Maison Blanche, le 15 septembre 2025, cinq jours après l'assassinat de l'influenceur. DOUG MILLS / POOL / AFP.

Liberté d’expression, de quoi parle-t-on ?

L’ASSASSINAT de l’influenceur amé­ri­cain d’extrême droite Char­lie Kirk a relan­cé le débat sur la liber­té d’expression. Ce droit est bran­di par cer­tains extré­mistes pour jus­ti­fier la dif­fu­sion de leurs idées et contes­ter les garde-fous juri­diques exis­tants. C’est un sujet clas­sique en phi­lo­so­phie : la liber­té d’expression, est-ce le droit de tout dire ? 

Un principe… fondamental

PERSONNE ne conteste que la liber­té d’expression soit une valeur fon­da­men­tale et indis­pen­sable aux démo­cra­ties. Le droit de dire ce que l’on pense, sans peur d’être cen­su­ré ou châ­tié, est une condi­tion néces­saire au débat poli­tique, à l’établissement de la jus­tice, à la créa­tion artis­tique, la liber­té de conscience, etc. Il a été défen­du avec ardeur par les phi­lo­sophes des Lumières, ins­pi­rant cette phrase célèbre à Vol­taire, dans son Dic­tion­naire phi­lo­so­phique (1764) : « Je désap­prouve ce que vous dites, mais je défen­drai jusqu’à la mort votre droit de le dire ». 

Consa­cré par l’article 11 de la décla­ra­tion des Droits de l’Homme et du citoyen, le prin­cipe ne se limite pas à la parole indi­vi­duelle : il inclut éga­le­ment la liber­té de la presse. Albert Camus, dans son Dis­cours de Stock­holm en 1957, lorsqu’il a reçu le prix Nobel de lit­té­ra­ture, affir­mait : « La liber­té de la presse, c’est la liber­té de l’homme de pen­ser et d’agir contre l’oppression, contre l’injustice ».

Cer­tains auteurs ont conçu la liber­té d’expression de manière exten­sive, comme un outil de pro­grès col­lec­tif, accep­tant que des idées fausses soient par­ta­gées. Dans L’Utilitarisme (1863), John Stuart Mill écrit : « Toute opi­nion devrait avoir la liber­té d’être expri­mée, même si elle est erro­née ou contraire à l’opinion domi­nante, car c’est dans la confron­ta­tion de ces opi­nions que la véri­té peut émer­ger ». Mill recon­naît tou­te­fois que cela « ne doit pas por­ter atteinte à l’intérêt de la société ». 

Des limites indispensables

DE FAIT, loin d’être un droit abso­lu, la liber­té d’expression n’est accep­table que si elle ne heurte pas d’autres valeurs fon­da­men­tales, comme le res­pect de la digni­té humaine, la sécu­ri­té publique ou la pro­tec­tion des répu­ta­tions. Non seule­ment les mots peuvent por­ter atteinte à ces prin­cipes mais ils peuvent aus­si conduire au pire. La loi punit donc l’injure publique, la dif­fa­ma­tion, la pro­vo­ca­tion aux crimes ou délits, les inci­ta­tions à la haine et la contes­ta­tion ou l’apologie de crimes contre l’humanité. 

Dans De la démo­cra­tie en Amé­rique (1835), Alexis de Toc­que­ville évo­quait déjà les dan­gers d’une expres­sion sans limite, sou­li­gnant que « la liber­té d’opinion est un droit néces­saire à la pros­pé­ri­té des socié­tés modernes, mais qu’il y a des usages per­ni­cieux qui peuvent mena­cer la sta­bi­li­té du corps social ». Ce dis­tin­guo est un enjeu per­ma­nent. Par exemple, les dérives sur les réseaux sociaux ne sont pas encore jugu­lées. Les pro­vo­ca­tions des extrêmes sont sou­vent lais­sées sans réponse. Et le droit à la cari­ca­ture reste dra­ma­ti­que­ment contes­té, jusqu’à pro­vo­quer 12 morts lors des attaques contre Char­lie Heb­do en 2015.

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