L’ASSASSINAT de l’influenceur américain d’extrême droite Charlie Kirk a relancé le débat sur la liberté d’expression. Ce droit est brandi par certains extrémistes pour justifier la diffusion de leurs idées et contester les garde-fous juridiques existants. C’est un sujet classique en philosophie : la liberté d’expression, est-ce le droit de tout dire ?
Un principe… fondamental
PERSONNE ne conteste que la liberté d’expression soit une valeur fondamentale et indispensable aux démocraties. Le droit de dire ce que l’on pense, sans peur d’être censuré ou châtié, est une condition nécessaire au débat politique, à l’établissement de la justice, à la création artistique, la liberté de conscience, etc. Il a été défendu avec ardeur par les philosophes des Lumières, inspirant cette phrase célèbre à Voltaire, dans son Dictionnaire philosophique (1764) : « Je désapprouve ce que vous dites, mais je défendrai jusqu’à la mort votre droit de le dire ».
Consacré par l’article 11 de la déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen, le principe ne se limite pas à la parole individuelle : il inclut également la liberté de la presse. Albert Camus, dans son Discours de Stockholm en 1957, lorsqu’il a reçu le prix Nobel de littérature, affirmait : « La liberté de la presse, c’est la liberté de l’homme de penser et d’agir contre l’oppression, contre l’injustice ».
Certains auteurs ont conçu la liberté d’expression de manière extensive, comme un outil de progrès collectif, acceptant que des idées fausses soient partagées. Dans L’Utilitarisme (1863), John Stuart Mill écrit : « Toute opinion devrait avoir la liberté d’être exprimée, même si elle est erronée ou contraire à l’opinion dominante, car c’est dans la confrontation de ces opinions que la vérité peut émerger ». Mill reconnaît toutefois que cela « ne doit pas porter atteinte à l’intérêt de la société ».
Des limites indispensables
DE FAIT, loin d’être un droit absolu, la liberté d’expression n’est acceptable que si elle ne heurte pas d’autres valeurs fondamentales, comme le respect de la dignité humaine, la sécurité publique ou la protection des réputations. Non seulement les mots peuvent porter atteinte à ces principes mais ils peuvent aussi conduire au pire. La loi punit donc l’injure publique, la diffamation, la provocation aux crimes ou délits, les incitations à la haine et la contestation ou l’apologie de crimes contre l’humanité.
Dans De la démocratie en Amérique (1835), Alexis de Tocqueville évoquait déjà les dangers d’une expression sans limite, soulignant que « la liberté d’opinion est un droit nécessaire à la prospérité des sociétés modernes, mais qu’il y a des usages pernicieux qui peuvent menacer la stabilité du corps social ». Ce distinguo est un enjeu permanent. Par exemple, les dérives sur les réseaux sociaux ne sont pas encore jugulées. Les provocations des extrêmes sont souvent laissées sans réponse. Et le droit à la caricature reste dramatiquement contesté, jusqu’à provoquer 12 morts lors des attaques contre Charlie Hebdo en 2015.
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